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Indicateurs environnementaux des data centers : la fausse route de l’approche monocritère

September 26, 2023 - Edito, Green IT

 


Pierre angulaire de notre société numérique, les data centers sont responsables de nombreux impacts environnementaux. Entre coûts de construction, consommation énergétique, utilisation d’eau claire et chaleur fatale perdue, la réalité physique de ces infrastructures est bien éloignée de l’illusion d’un monde dématérialisé. L’image vaporeuse et éthérée du « nuage », repose en réalité sur des infrastructures bien physiques qui ont des effets colossaux sur le monde réel.

 

Ces impacts sont souvent minimisés, voire invisibilisés par les acteurs de l’industrie qui préfèrent afficher des gains environnementaux conséquents, comme la réduction du PUE, l’optimisation du taux d’utilisation des serveurs ou l'augmentation de la part des énergies renouvelables. Bien que ces améliorations soient réelles, les gains d'efficacité réalisés depuis plusieurs années par les opérateurs ont été neutralisés par l’augmentation des usages et des services.1 D’autant que pendant longtemps, les enjeux environnementaux identifiés par l’industrie se sont limités à la consommation énergétique. 

 

Le PUE, outil de greenwashing ?

 

Pour réduire leur impact, les data centers doivent mesurer, au moyen d’indicateurs, leurs consommations d’énergie et de ressources. Le choix de l’indicateur permet de déterminer l’ambition de leur démarche. À titre d’exemple, le PUE, normalisé en 2006 par The Green Grid, a permis une amélioration significative de l’efficacité énergétique des data centers. Pour rappel, le PUE est le ratio entre l’énergie totale consommée par l'infrastructure du data center et l’énergie consommée par les systèmes informatiques. Plus le PUE s’approche de 1 (soit la valeur idéale), plus il est performant énergétiquement. En 2023, l’Uptime Institute a annoncé que la valeur moyenne du PUE était de 1,58, cela signifie que 37 % de l’énergie consommée par un data center n’est pas consommée par les équipements informatiques. Depuis quelques années, le PUE n'a montré aucune amélioration significative, il semblerait que l’industrie des data centers ait atteint un seuil difficile à dépasser.

 

Loin d’être inutile, le PUE permet surtout à l’industrie d’améliorer ses propres performances. Mais s’en satisfaire, c’est occulter les données sur la consommation d’eau, les sources d’énergie, et même, la valorisation de chaleur. Par exemple, un data center qui affiche un très bon PUE peut aussi utiliser des équipements informatiques qui engloutissent des milliers de litres d’eau par jour, sans que cela affecte son score.

Data centers : un gigantesque gâchis d'eau

 

Les data centers ont beaucoup investi pour réduire leur consommation énergétique, notamment en utilisant des systèmes de refroidissement moins gourmands en énergie. Or, on constate aujourd’hui que pour maintenir les serveurs à une température adéquate, le recours à des systèmes de refroidissement à eau s’est intensifié (adiabatique, évaporatif…). Cette stratégie a permis aux opérateurs d’afficher un PUE proche de la valeur idéale : 1 et d'en vanter les mérites par rapport à leurs stratégies d'atteinte de la « neutralité carbone ». 

 

En revanche, les données autour de leur consommation d’eau (quand elles sont communiquées) sont souvent opaques et difficiles à comparer entre elles. À titre d’exemple, en 2021, moins d’un tiers des opérateurs de data centers mesuraient leur consommation d’eau2. Et pourtant, cette consommation se compte en milliards de litres d’eau, et inquiète de plus en plus les acteurs gouvernementaux qui voient certaines des régions où sont implantés les data centers touchées par un stress hydrique important.

 

Face à une raréfaction de la ressource en eau, un data center peut-il continuer à consommer jusqu’à 3,8 millions de litres d’eau par jour aux seules fins de refroidissement3 ?

À ce sujet, découvrez une tribune dans Les Echos : Consommation d'eau dans les datacenters : brisons l'omerta !

 

 

La chaleur fatale émise par les serveurs, une énergie oubliée  

 

Toute l’électricité consommée par les serveurs se dissipe sous forme de chaleur. Cette chaleur, considérée comme un déchet dans les data center, appelée chaleur fatale*, est évacuée dans ces infrastructures au moyen de systèmes de refroidissement ou dissipée dans l’environnement. Des initiatives existent pour tenter de valoriser la chaleur produite par les serveurs informatiques et chauffer des bâtiments voisins (piscines, entreprises ou entrepôts). Mais ces initiatives restent à la marge car les contraintes techniques sont nombreuses. D'abord, pour convoyer la chaleur les datacenters doivent être installés à proximité du bâtiment chauffé afin d'éviter les déperditions liées au transport de la chaleur. En outre, la température émise par un data center dépasse rarement 35 à 40°C. La plupart du temps, elle n'est pas assez élevée pour être valorisée. La température peut néanmoins être rehaussée, moyennant des coûts d'installations importants et des consommations d’énergie supplémentaires (échangeurs, pompes à chaleur…).

De son côté, Qarnot positionne les serveurs directement sur les sites consommateurs de chaleur. 

À ce sujet, découvrez l'article Les Echos : Qarnot, le serveur informatique qui sert aussi à se chauffer. 

 

*Chaleur fatale : chaleur générée par un procédé qui n’en constitue pas la finalité première

 

Plus de transparence pour plus de responsabilisation

 

La prise en compte de tous les indicateurs, de manière transparente et conformément à des normes, permet notamment de se prémunir du greenwashing. Si la plupart des indicateurs sont standardisés dans la norme ISO/IEC 30134, il est difficile de réglementer les communications des opérateurs à ce sujet, et la plupart d’entre elles manquent de transparence. Bien que le PUE soit le plus fréquemment cité, il n’est à lui seul pas suffisant pour juger de l’efficacité d’une infrastructure. En outre, prendre en compte tous les indicateurs permet de ne pas occulter les transferts d’impact flagrants, notamment quand l'amélioration du PUE se fait au détriment du WUE. La transparence est essentielle pour responsabiliser les acteurs du numérique dans la préservation des ressources.

 

Sources 

(1) Rapport du Sénat - « Pour une transition numérique écologique » - 2020 http://www.senat.fr/rap/r19-555/r19-555_mono.html#toc130

(2) Uptime Institute - https://journal.uptimeinstitute.com/dont-ignore-water-consumption/

(3) Datacenter Knowledge - https://www.datacenterknowledge.com/google-alphabet/google-data-centers-secret-cost-billions-gallons-water

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